07
Dec
2022

Adventice

Mes premières idées autour de ce petit projet fleuri ont germé il y a huit mois, mais c'est durant les deux mois où je l'ai réalisé que son sens m'est apparu.

Je souffre d'hyperandrogénie depuis la puberté. Je dis "souffre" car depuis quelques années, cet excès de testostérone est devenu invivable. Après m'être retrouvée pour la deuxième fois aux urgences, j'ai accepté la nécessité de mon hormonothérapie et cessé de résister à l'exacerbation des manifestations, dirais-je, féminines, qui l'accompagnent – physiques mais aussi psychiques. Au sein de cette démarche de les accueillir et vivre en harmonie avec elles, le désir de les représenter en image a doucement grandi.

J'avais, dans mon carnet de croquis, dessiné des visages avec des petites fleurs éparpillées autour des yeux et de plus grandes autour des épaules, annotés avec les termes "beauté", "chatoyant", "étrange". Ayant à cette période encore très peu de modèles fiables à Dijon dans mes contacts, je gardais ce petit projet pour plus tard... mais alors que je devais rencontrer Noure autour de portraits classiques, je suis passée à côté de boutons d'or et ai eu l'intuition très forte que le jaune lui irait sûrement. Alors j'en ai cueilli trois.

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Ces portraits de rencontre devenus des tests pour mon idée fleurie, ont finalement donné ma première photo finale pour le projet. C'est en la traitant que j'ai décidé que ce serait un triptyque avec deux couleurs primaires sur chaque portrait. Je me suis donc mise en quête de trouver les deux modèles, les deux robes, et le plus difficile, les fleurs bleues et rouges pour les deux photos restantes.

J'ai proposé à Inès de poser pour le triptyque, et j'ai trouvé ma troisième modèle grâce à une annonce dans laquelle j'expliquais chercher une orientale aux cheveux longs. Au départ, je m'imposais ces critères dans le but de conserver une certaine homogénéité avec Noure ; désormais, j'y vois une évocation de ma mère.

La partie la plus étonnante de cette aventure concerne les fleurs.

Pour ne prendre aucun risque, j'avais demandé à mon conjoint de m'emmener à une jardinerie, quatre jours avant la séance avec Inès et une semaine avant la séance avec Delphine. Pour le rouge, des petites fleurs de verveine me convenaient bien, mais pour le bleu, la saison des myosotis venant juste de se terminer, le choix était limité aux hortensias... j'en ai ramené un pot sans grande conviction. La veille de la séance avec Inès, je me suis rendue chez plusieurs fleuristes, toutes m'ont soutenu que les seules fleurs bleues que je trouverais étaient teintes et je me suis résolue à devoir être créative avec la massivité des hortensias.

Le jour de la séance avec Inès, sur le chemin pour la rejoindre, je suis passée devant le coin de pelouse où j'avais cueilli les boutons d'or... où de nouvelles fleurs sauvages avaient poussé. Des fleurs bleues. Je les ai cueillies en remerciant le ciel. J'ai raconté ce coup de chance à Inès avec un grand soulagement, tout en disposant les fleurs pour souligner son regard d'oiseau.

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Mon enthousiasme a été douché le soir-même : la canicule finissait de dessécher la verveine, à mon grand désespoir.

La veille de la séance avec Delphine, j'étais sur le point de lui envoyer un message pour repousser la séance lorsque, en passant près du fameux coin de pelouse, des points rouges ont attiré mon attention. En m'approchant, je les ai vues, les fleurs rouges qui me manquaient, apparues durant les trois jours qui séparaient la séance avec Inès et la séance avec Delphine.

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Ces miracles consécutifs tourbillonnaient dans ma tête en traitant les deux dernières photos. Par le plus pur des hasards, cela correspondait parfaitement à cette féminité que j'apprivoisais sur le tard, que j'héritais de ma mère sans qu'elle me la transmette intentionnellement, que je voyais surgir indépendamment de ma volonté, que je symbolisais au travers de ces mauvaises herbes colorées. C'est ainsi que m'est venu le titre "Adventice".

Ce qui n'est pas naturellement dans une chose, survenant du dehors, accidentel. Qui croît sans avoir été semée.

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Modèles : Noure Naaimi, Inès Amoura, Delphine Tran

23
Nov
2022

La Folia

Je viens de recevoir les clichés ainsi qu'une vidéo de ma dernière séance avec Marilyne. J'ai un peu honte de l'avouer, mais après avoir passé un an à dire que je voulais reprendre le violoncelle, et m'être découragée il y a huit mois en réalisant que la cheville de la corde du la était défectueuse, je suis enfin allée chez le luthier parce que Marilyne avait en tête une mise en scène avec mon instrument, et que je ne supportais pas l'idée qu'il soit photographié avec seulement trois cordes.

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Nous étions partie sur l'idée d'un décor automnal avec une robe rouge, mais lorsque Marilyne m'a montré sa dernière trouvaille, le camaïeu d'oranges s'est révélé plus inspirant. Comme d'habitude, c'est elle aussi qui a réalisé ce superbe maquillage.

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Le jour de la prise de vue, il faisait froid, mais le plus délicat pour moi a été le regard, et surtout l'oreille des visiteurs. J'ai l'habitude de ne pas passer inaperçue dans une tenue extravagante au milieu d'une rue passante, mais qu'on m'écoute jouer d'un instrument que je n'avais pas pratiqué depuis des années, c'était une autre affaire. Occuper l'espace sonore avec mon violoncelle requinqué a été un bon exercice de lâcher prise.

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Nous en avons profité pour tourner une petite vidéo, une première pour Marilyne avec son boîtier tout neuf. J'y joue le début de La Folia de Marin Marais, puis le début d'Hollow Knight, générique du jeu du même nom composé par Christopher Larkin. Le premier est emblématique de ma formation au CNR de Grenoble car c'est le morceau soliste que j'ai maîtrisé lors de mon passage en troisième cycle ; le second marque le début de la suite de reprises que je compte réaliser. Je suis sortie de cette séance terriblement courbaturée, mais je suis maintenant lancée dans une reprise douce du violoncelle, ma seconde voix.

Photographe, maquilleuse, vidéaste : Marilyne Dugé

17
Nov
2022

Portraits de rencontre : Camille

J'ai prévu de faire une pause photo au mois de décembre prochain, en attendant j'ai vécu les montagnes russes émotionnelles durant mes deux dernières séances de portraits de rencontre. En effet, la première s'est extrêmement mal déroulée de mon côté, au point que je suis en incapacité de la traiter – ce qui est particulièrement exceptionnel, même dans le contexte de liberté que je me réserve habituellement.
Mon intuition lors des messages de préparation s'étant révélée complètement défaillante, je redoutais la seconde rencontre... qui a été une très jolie matinée, grâce à l'adorable Camille.

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Si je devais décrire Camille en deux mots, ce serait : douceur solaire. J'ai travaillé ces portraits en espérant qu'ils reflèteraient la lumière que j'ai ressentie en sa présence.

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Modèle : Camille Commenge

01
Nov
2022

Ukiyo

Après un cours sur la composition en peinture, je me suis intéressée à l'influence de l'arrivée des estampes japonaises en Europe. Les aplats de couleur s'opposent alors au réalisme du travail des volumes. Or précisément, je travaille habituellement mes portraits dans le volume. J'ai voulu tenter quelques clichés avec un éclairage "plat", en composant avec mon modèle d'abord par ses contours.

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La modèle, c'est Delphine. Je l'avais rencontrée lorsque je recherchais une troisième modèle orientale pour mon projet "Adventice", et c'était la première modèle depuis très longtemps que je photographiais sans passer par l'étape des portraits de rencontre.

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Je voulais à nouveau de l'Orient pour cette série. Des yeux étirés, des cheveux de jais qui se fondraient dans l'arrière-plan. Une Asiatique peinte à l'encre de Chine sur du papier de soie. Delphine s'y prêtait parfaitement.

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Modèle : Delphine Tran

22
Oct
2022

Les fleurs volantes

Pour notre deuxième séance ensemble, Marilyne m'a envoyé des inspirations beauté remplies de papillons et de fleurs volantes. "Je te mettrai un bandeau", répétait-elle sans que je comprenne si elle parlait d'un accessoire de coiffure ou d'un vêtement.

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En fait, elle avait collé des fleurs sur un bandeau de tulle, à poser sur mes yeux. J'ai donc posé à tâtons dans le noir. En plus de la très belle surprise qu'a été la découverte du résultat, je trouve merveilleux que le tulle ne se voit pas au premier abord.

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Bien qu'on ne puisse pas l'apprécier dans son entièreté sur les photos, j'ai adoré le maquillage qu'elle m'a fait. Du rose chaud, des sous-tons dorés, et les sourcils les plus définis qu'on m'ait jamais dessinés.

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Je conclurais bien, sans mauvais jeu de mots, que la confiance aveugle que j'ai en Marilyne est bien placée.

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Photographe : Marilyne Dugé

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