15
Jul
2025
La genèse organique
15 Jul 2025
Quelle aventure que cette séance !
Sur les trois séries photographiques que j'avais visualisées pour ma grossesse, j'avais cru que celle-ci serait la plus simple à organiser : la tenue était commandée, le beau temps semblait garanti pour la fin du printemps... et surtout, le jour-même de la publication de mon annonce, j'avais trouvé un photographe.
Un mois plus tard, ce dernier m'a appelée pour m'annoncer une bien triste nouvelle. J'ai été bouleversée, d'autant que depuis plusieurs semaines, je me consacrais aux préparatifs de la naissance de mon enfant, comme si j'étais dans une bulle de vie que rien ne pouvait perturber. Son empathie et sa générosité malgré la situation m'ont touchée : il était prêt à maintenir notre séance car, disait-il, il tenait à ce que j'aie mes photos ; mais de mon côté, il était hors de question de le faire travailler dans de telles conditions.
Je me suis laissé une dizaine de jours pour digérer le choc, puis faire le point sur l'importance de cette dernière séance. L'appel était toujours là, et j'ai contacté une photographe que je connaissais de longue date en lui présentant mon projet. J'avais été ravie de sa dernière prestation, ses tarifs étaient dans mon budget, elle était partante et disponible : c'était plié, il ne restait plus qu'à choisir une date.
Pourtant, une semaine plus tard, je lui envoyais un message pour tout annuler. En treize ans dans la photographie, jamais je ne m'étais désistée pour autre chose que des soucis de santé. Je voyais tous les dérivés de "je ne le sens pas" comme des démonstrations de paresse et de lâcheté ; aussi, il m'a été incroyablement difficile de ne pas pouvoir donner d'explication rationnelle. Était-ce la grossesse qui exacerbait mon intuition, au point de me donner le sentiment de me trahir si je ne la suivais pas ? J'avais en tout cas la certitude grandissante et irrépressible que travailler avec cette photographe serait un fiasco.
Le mois de mai avançait, je tenais à faire cette séance dans les trois semaines, alors je m'en suis remise à Dieu qui, chaque fois que j'ai renoncé à une opportunité, m'en a toujours présenté une bien meilleure, au moment idéal... et cette fois, le moment idéal est arrivé lorsque Valériane, ravie de notre séance du 5 mai, en a partagé une photo brute. Je l'ai partagée à mon tour, et Jessica m'a écrit : "Tu irradies de grâce, ça fait plaisir à voir et ça me donne envie de te photographier 😊".
Ce premier signe du Destin a été confirmé lorsqu'après lui avoir expliqué ma situation et ma démarche, Jess y a immédiatement fait écho avec ses propres mots. C'est à ce moment que j'ai compris ce qui m'avait manqué avec la précédente photographe : une connexion à mon intention.
La genèse organique. Un cœur donne corps à sa mélodie céleste. De l'essence à la substance, la Création en expansion dans la matrice.
Jess habitait loin, Jess avait un agenda rempli, mais nous avons trouvé un créneau le 22 mai. Les prévisions d'orage persistaient pour cette date, mais j'ai continué de croire en ma bonne étoile.
Trois jours avant le jour J, j'ai profité d'une éclaircie pour aller faire des repérages sur les lieux, afin que Jess puisse commencer à s'y projeter. Je me suis également rendue, sans trop y croire, au champ avoisinant. Chaque fois que j'avais voulu l'exploiter pour des photos, le blé était beaucoup trop haut ; mais cette fois, la ligne d'horizon était dégagée.
Tous les éléments étaient réunis, la météo annonçait enfin quelques éclaircies... j'en ai pleuré de joie.
Les montagnes russes émotionnelles ont repris, de façon assez spectaculaire, la veille de la séance : une nuit très difficile, tout au long de laquelle je me tordais de douleur dans le lit ; puis au matin, des nausées dignes du premier trimestre.
Heureusement, lorsque Jess est arrivée en début d'après-midi, j'ai commencé à aller mieux. Nous avons pris quelques heures pour discuter tranquillement autour d'un thé et de pâtisseries, nous ne nous étions pas vues depuis deux ans ! Puis vers 16h, alors que la pluie s'affinait, je suis montée me préparer.
Nous aurions pu accéder au spot à pied depuis chez moi, mais Jess a eu la prévenance de nous y conduire en voiture pour que je m'économise au maximum.
Toute la suite a été d'une fluidité extraordinaire. Jess voyait tout : les reflets dans l'eau, les ombres des feuilles, les poussières qui devenaient lucioles en contre-jour. Je n'avais qu'à me laisser guider par ses indications et les éléments naturels.
J'étais épuisée au moment de commencer la prise de vue, mais étonnamment, j'ai posé pendant plusieurs heures sans ressentir d'effort particulier. Comme si les rayons de soleil et les odeurs végétales me rechargeaient.
Cette séance est un magnifique souvenir de communion, sans doute l'un des plus marquants de toute ma grossesse.
Ces clichés me rappellent le sublime paradoxe de la mère : sa puissance créatrice de vie, son humilité devant la Vie qui la lui accorde.
Lorsque je les regarde, je revis l'enchaînement invraisemblable des évènements qui ont composé cette aventure... un chaos que j'ai pu traverser en restant à l'écoute de mon alignement, qu'il faille persévérer face aux aléas, ou au contraire, totalement lâcher prise.
Et bien sûr, j'ai une immense gratitude pour Jess qui est venue de si loin pour nous faire vivre ce voyage.
Photographe : Jessica Evrard