La voix nue
Je suis une perfectionniste depuis toujours, ce qui a pour inconvénient notable d'accroître considérablement mes difficultés chaque fois que je débute complètement quelque part. Pour contrer un peu cela et me permettre de commencer à zéro avant de progresser, à chaque célébration de ma naissance, je me vois lancée dans un nouveau défi à accomplir pour l'anniversaire suivant, afin de me forcer à sortir de ma zone de confort et en assumer le résultat même très imparfait.
Pour mes 31 ans, il s'agissait de me filmer, peu importe le sujet. J'avais alors montré une vidéo de moi jouant l'Arabesque n°1 de Claude Debussy au piano.
Cette année, pour mes 32 ans, il s'agissait de monter une vidéo, peu importe la manipulation de montage tant que cela dépassait le fait de sélectionner le début et la fin du fichier.
J'ai eu l'idée en nettoyant ma salle de bain inutilement spacieuse, de faire un montage devant son joli miroir, avec mon propre reflet qui chanterait une deuxième voix.
J'ai repris "Golden Green" d'Agnes Obel, qui chante la mélancolie comme personne.
Evidemment, je vois déjà énormément de défauts, à commencer par l'exposition changeante entre les deux prises. J'ai donc ajouté une petite retouche de colorimétrie au passage, ce qui m'a rassurée sur l'accessibilité de la discipline pour mon petit cerveau.
Le plus difficile a été d'exposer ma voix. Elle est ce que je considère de plus intime, comme si elle pouvait trahir mes pensées et mes émotions les plus profondément enfouies. Je me suis parfois filmée avec le téléphone, en m'accompagnant au piano ; le chant a capella m'a demandé davantage de courage et de lâcher prise, mais je commence à apprécier mes progrès en écoutant ma voix nue.