02
Apr
2025

Je ne suis plus modèle

Durant les treize dernières années, j'ai nourri mon expressivité corporelle et je me suis épanouie dans une démarche constante : la mettre au service de la photographie.

Cela m’a apporté des rencontres incroyables et l’opportunité inestimable de créer avec des artistes extraordinairement talentueux.

Je me suis projetée dans leurs visions.

Et à travers leur regard, leurs idées me donnaient corps.

Aujourd'hui, cette création est ailleurs.

Je nourris autre chose.

Mon corps existe pour autre chose.

Une chose merveilleuse, qui me dépasse.

Un absolu qui occupe tout l’espace.

J'attends un heureux événement pour cet été, et depuis cet hiver, mon monde se transforme à une vitesse folle.

Mon corps, mon quotidien, mon énergie...

Je traverse ces bouleversements, ou plutôt, ils me traversent telle une tempête chaotique de peur et de joie.

La photographie m'appelle toujours, mais...

Cet appel a changé.

Je n’arrive plus à absorber vos personnages, à interpréter vos images à naître.

Je ne suis plus en capacité d’incarner une autre histoire que la mienne.

Je ne me considère plus comme un modèle.

Peut-être est-ce temporaire.

Quel rapport aurai-je à mon corps après avoir porté la vie ?

Comment appréhenderai-je l’extérieur suite à ces chamboulements intérieurs ?

Quelle place et quelle forme prendra la création dorénavant ?

L’Avenir nous le dira.

Je ne disparais pas, mais j’ignore encore comment évoluera ma présence en ligne... Je me laisserai porter par le flot.

Je ne peux vous promettre que de rester sincère et entière, comme dans tout ce que je vous ai partagé jusqu'à présent.

Je vous remercie du fond du coeur.

Pour votre présence, votre confiance, votre fidélité et votre bienveillance, tout au long de ces treize années.

Elles sont inoubliables, grâce à vous.

À bientôt

20
Sep
2024

Lettre d'espoir

Chère Caroline de 2008,

Tu quittes le chemin tracé hier par les adultes, car c'est toi qui deviens adulte aujourd'hui.

Tu vivras mal les choix déjà faits pour toi, et tu te sentiras revivre en t'y opposant.

Cependant, tu réaliseras bien vite qu'il n'y a aucun bonheur dans une rébellion qui détruit sans construire, car en imaginant le futur, tu ne verras toujours qu'un tunnel noir.

Ta force sera de te souvenir qu'enfant, tu rêvais d'infinis possibles, radieux, et de continuer à croire qu'ils dorment quelque part en toi.

Tu chercheras tes rêves dans le militantisme pour tes idéaux, dans l’expérimentation artistique, dans la fusion relationnelle.

Tu réussiras dans les trois et tu échoueras dans les trois, jusqu’à comprendre que ton identité, ta valeur, ton essence, ne se situent ni dans tes opinions, ni dans tes productions, ni dans l’approbation de ton entourage.

Tu seras trahie, tu seras abandonnée.
Tu seras l'objet de calomnies en cherchant le compromis.

Tu te sentiras vide.

Et à la dixième fois, tu comprendras que ce vide béant n'est pas ton insuffisance.
C’est la place pour ton futur radieux, libérée par tes rêves qui n’ont jamais dormi.

Merci d’avoir cru en moi et persévéré.
Sans toi, je n’existerais pas.

Avec amour et gratitude,

Caroline, heureuse en 2024

29
Aug
2024

Le feu ça brûle, mais ce n'est pas la faute du pyromane...

... et justement, ce n'est pas ce pour quoi il est incriminé.

Il y a bientôt deux ans, je réfléchissais au poids des mots.

Il me paraît toujours aussi écrasant, non par ce que les mots décrivent, mais par ce qu'ils révèlent : si je suis peu sensible aux compliments et aux promesses, je peux vriller à l'utilisation d'un seul terme qui trahit toute une intention.

J'ai tenté de maîtriser ce pouvoir

Depuis toujours, quel que soit le fond que je tente de transmettre, j'essaie d'utiliser les mots les plus justes.

Je voulais exposer une pensée transparente, car je croyais que c'était la voie la plus efficace pour me faire comprendre, et la plus honnête pour des relations équilibrées. Et c'était là mon erreur : croire que pour susciter l'empathie dans mes moments de détresse, mes mots suffiraient.

Ces mots, je pouvais les dire sur le ton de l'angoisse, de la colère ou de l'épuisement... ils étaient entendus et aussitôt oubliés. Et je n'avais aucune autre forme de soutien que des mots dans le vent.

Pendant ce temps, en voulant remplir ce que je pensais être mon devoir de loyauté, j'offrais une présence véritable, une disponibilité permanente et inconditionnelle. Enfin, j'essayais.

Même le roseau finit par rompre à force de plier

Une fois de plus, j'ai vu mon énergie s'amenuiser lorsque mes impératifs personnels sont revenus sur le devant de la scène, concurrençant alors les sollicitations extérieures pour épuiser, inexorablement, l'attention et la patience que je pouvais leur consacrer.

Et on me l'a fait payer, cher. Trop cher pour conserver l'envie de m'investir dans un rapport unilatéral, consistant à remplir indéfiniment un panier percé...

Ce que j'ai appris de mes ruptures amicales

Dans une lettre de rupture amicale il y a deux ans, je citais la moniale bouddhiste Pema Chodron :

La douleur continuera jusqu'à ce que la leçon soit apprise

Mais ma leçon à moi, je n'avais pas fini de l'apprendre, et alors que tout était déjà sous mes yeux, j'ai répété trois erreurs de jugement.

Erreur de jugement #1

Je pensais qu'une personne trop gentille, voire totalement soumise aux caprices de l'un de ses proches, est par son pacifisme trop inoffensive pour me faire du mal.

Cela s'est révélé vrai pour certaines.

Pour d'autres, c'est en réalité le signe que cela fait partie de leur norme... et qu'elles peuvent elles-mêmes adopter ces comportements maltraitants, à leur tour, en d'autres circonstances.

Avec moi, par exemple.

Erreur de jugement #2

Une personne qui m'offre un réconfort généreux dans mes échecs, n'œuvre pas forcément à mon bonheur.

J'ai entendu tant de mises en garde contre le copinage exclusif aux bons moments, que j'imaginais mal l'inverse... qui tient pourtant de la même lâcheté. Être présent pour l'autre lors de ses difficultés personnelles, celles sur lesquelles on n'a aucune influence, cela ne demande aucun courage.

Je l'ai réalisé auprès de certaines personnes qui proposaient souvent, promptement, un soutien réservé aux épreuves qui n'engagent à rien : lorsqu'est venu le temps des promesses aux conséquences concrètes, leur attitude a radicalement changé.

Alors que je les imaginais accompagner et célébrer mes réussites, leurs actes ont révélé pire qu'un abandon programmé : un immobilisme qui, une fois démasqué, s'est mué en sabotage décomplexé.

Erreur de jugement #3

Je me fiais trop à mon intuition de départ.

Si elle m'a permis de filtrer d'office de nombreuses personnes, dont le comportement avec des amis communs s'est avéré néfaste, toxique et vicieux... avec d'autres, elle mettait en exergue leurs plus belles facettes. Et par la suite, en voulant rester optimiste, je me laissais aveugler par mes biais de confirmation : en me concentrant sur le meilleur, j'occultais le pire. Jusqu'à ce qu'il explose.

La meilleure version d'une personne mérite toujours d'être valorisée, mais j'apprendrai à ne plus minorer les défauts qui l'en écartent ; car les ignorer permet à la pire de s'imposer petit-à-petit, pour finir en roue libre.

21
Feb
2024

外婆

En Chine, on ne place pas nos aînés en maison de retraite, ils vivent avec leurs enfants et élèvent avec eux leurs propres enfants.

La grand-mère qui m'a élevée est partie brutalement la semaine dernière, auprès de mes tantes à Wuhan. Nous n'avons pas pu lui dire au revoir, nous ne pourrons pas déposer d'offrandes sur son autel, et surtout, pour la première fois de ma vie, je dois vivre le deuil sans pouvoir me recueillir devant la dépouille.

J'ai échangé avec une demi-douzaine de personnes ayant elles aussi perdu quelqu'un sans pouvoir voir le corps. Des histoires poignantes et des regrets.

Le meilleur conseil que j'ai reçu m'a été donné par ma cousine Cécile : faire le deuil dans la matière. S'il n'est que dans ma tête, comme une théorie qu'on pourrait remettre en question, je ne pourrais pas rompre le cycle progressivement infernal des périodes où la personne ne semble pas vraiment partie suivies de celles où je réalise à nouveau son départ.

Alors, je prévois d'organiser des funérailles chez moi, seule, en me représentant son corps au travers d'un portrait tiré sur du papier de soie. Et pour m'adresser à elle dans la seule langue que l'on a partagée, je réapprends le mandarin en chantant des comptines chinoises.

01
Jan
2024

Écouter le corps

Depuis mon hospitalisation, il m'a fallu m'adapter non seulement au fait d'être diminuée sans en connaître la raison, mais aussi à ce que mes états émotionnels les plus intimes se traduisent désormais en états corporels. J'ai des amis qui somatisent tout, grâce auxquels j'ai depuis longtemps connaissance de l'existence de ce phénomène, mais c'est autre chose de le subir soi-même, du jour au lendemain.

La première année, comme mes amis, je le vivais comme un véritable handicap dont je me serais bien passée : c'est déjà pénible en soi de ressentir de l'angoisse ou de la colère, alors pourquoi en rajouter une couche avec des problèmes de peau, d'articulation ou de digestion...

J'ai commencé à changer de point de vue lorsque j'ai déménagé à Dijon, loin de la frénésie et de l'insécurité de Guillotière. Oui, les maux de dos et de ventre que j'avais développés en conséquence de mon quotidien dans ce quartier étaient physiquement handicapants. Mais si cela avait été plus supportable, ne m'en serais-je pas accommodée, et me serais donc privée d'un meilleur environnement quelques années de plus ? C'était chaotique, inconfortable, mais cela m'a poussée pour le mieux.

Ma démarche générale a commencé par un retour au stoïcisme : accepter ces réactions corporelles que je ne peux pas changer, accueillir les crises tout comme les émotions désagréables qui doivent nous traverser avant de repartir ; et ensuite concentrer mon attention sur ce sur quoi je peux réellement agir.

Désormais, je me sers de cette sensibilité physique à la fois comme moteur pour une vie meilleure, et comme instrument de mesure de la justesse de mes choix. Depuis mes fiançailles, le dernier symptôme du SIBO qui subsistait a complètement disparu. Je vivais normalement depuis mon dernier traitement, je vis aujourd'hui comme si je n'avais jamais été malade.

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