10
Aug
2023

Géométrie des textures

Ce soir sort le quatrième tutoriel d'Espace Pose, qui a désormais sa playlist sur YouTube.

Je crains toujours le syndrome de la page blanche lorsque je planifie un nouveau tutoriel, et il s'est particulièrement manifesté ici. Pourtant, j'avais plein de choses à dire sur la photo de mode, intimidante de prime abord par le prestige autour du luxe auquel elle est souvent associée. Mais sous ses airs élitistes et ses codes carrés, elle offre un levier qui permet de libérer une créativité délirante et est en réalité parfaitement accessible au modèle moyen... à condition qu'il y croie.

Pourquoi la page blanche dans ce cas ? J'avais un carnet rempli de croquis et de notes... dont je ne trouvais pas encore le fil conducteur.

Suite à la précédente vidéo sur les poses liées au dos, je souhaitais maintenir une alternance d'angles d'attaque entre l'anatomie et le type de photographie. La mode, tout le monde connaît, tout le monde rêve d'en faire, et tout le monde en a peur au début... Il était inimaginable que je ne l'aborde pas prochainement. J'ai donc fait comme je fais toujours lorsque je doute : plutôt que d'attendre d'être prête à 100%, je prépare ce dont je suis déjà certaine, et je fais confiance à l'avenir pour m'aiguiller sur la suite quand le moment sera venu. Cette confiance est d'autant plus importante que je dois l'inspirer aux personnes qui me suivent dans l'aventure, et c'est impensable si je ne la ressens pas moi-même. Heureusement, ayant toujours réussi à terminer mes petits tutoriels, la pensée que ce que j'entreprends est toujours à ma portée devient de plus en plus naturelle.

Je m'accroche à cette idée que j'ai partagée à Marilyne lors de notre dernier tournage (dont je vous parlerai prochainement) :

Si on n'obtient pas ce que j'avais en tête, je trouverai autre chose

La modèle choisie faisait le consensus entre Marilyne et moi avant même que nous nous concertions. Il s'agit de la superbe Chloé, dont j'ai fait quelques portraits, et que Marilyne a photographiée dans plusieurs de ses propres séries. Chloé est élégante, Chloé a un regard atypique et intense (aviez-vous déjà vu des yeux bridés de cette couleur ?), Chloé incarne avec enthousiasme les personnages sortis tout droit de l'imagination de Marilyne... Chloé était la modèle parfaite pour cette vidéo, et nous avons été ravies qu'elle accepte.

J'ai donc préparé le tournage à partir des visions que j'avais en tête. Je voyais trois scènes, trois tenues, toujours devant le même fond bleu qui serait décoré à la façon d'un cours d'art plastique pour jouer sur les formes, les couleurs et les textures à peu de frais. Du sobre, du déstructuré, du fantastique. Un tailleur classique associé à des accessoires originaux, une grande capeline colorée devant un fond géométrique, une robe de tulle froufroutant sur des accessoires en papier.

La liste des courses s'est affinée en faisant l'inventaire de ce que nous avions déjà chacune de notre côté, et le jour J, nous étions prêtes.

Le tournage a commencé en fin d'après-midi et a duré jusque très tard dans la soirée. De mémoire, environ six heures. J'en étais navrée pour Chloé qui était en pleine période de révisions et que je n'ai même pas pu défrayer avec un repas comme je fais d'habitude, mais elle s'est montrée très arrangeante, en insistant pour bien refaire ce qui avait pu être loupé. Nous avons finalement été plutôt efficaces pour filmer les différents plans, ce qui a pris plus de temps que d'habitude était en réalité la répétition des étapes maquillage, coiffure et mise en place du décor. Comme toujours, sans Marilyne, rien de tout cela n'aurait pu être bien exécuté.

Une fois les rushs sur le disque dur, je me suis donné une semaine de pause pour ne plus y penser et revenir avec un esprit plus frais, deux semaines pour étoffer mes notes et construire un propos d'ensemble, et deux autres semaines pour monter la vidéo. Il semble que c'était le timing parfait, puisque je l'ai terminée hier soir.

MUAH, éclairage, photographie (fin de la vidéo) : Marilyne Dugé
Modèle : Chloé Massieux

19
Jul
2023

Gorgone

Un jour où j'accompagnais Marilyne à Action, en passant devant le rayon des jouets pour enfants, je l'ai vue faire un petit stock de serpents de toutes les tailles en évoquant un projet de coiffe Méduse. Et alors qu'elle la confectionnait, elle m'a demandé si je voulais être sa modèle pour présenter cette coiffe. J'ai évidemment dit oui. La figure de Méduse est une source de fascination et de questionnements depuis mon enfance, où est née ma passion pour les mythologies des grandes civilisations de l'Antiquité.

Méduse est une victime à la fois banale et emblématique du courroux des déités gréco-romaines, déclencheurs d'un nombre incalculable de tragédies sans que l'on ose en défier le sens de la justice. Ces narrations peuvent sembler délirantes à conter autant de souffrances gratuitement infligées, inutiles. Mais peut-être est-ce justement en baignant dans cette acceptation du Destin, aussi cruel soit-il, que nos prédécesseurs ont pu donner naissance à de puissants mouvements philosophiques, prônant l'abandon de la vaine tentative de contrôler ce qui nous échappe... c'est-à-dire presque tout.

En cherchant une tenue pour la séance, je suis tombée sur un de mes costumes de scène, dont le motif serpent a été une évidence. Puis, en discutant du reste de l'accessoirisation et des poses avec Marilyne, les yeux rivés sur mon costume et les photos de la coiffe... j'ai eu l'idée de créer une petite chorégraphie de tribal fusion, qui s'inscrirait dans une sorte de vidéo backstage améliorée, documentant un petit peu nos savoir-faire respectifs. J'étais à la fois excitée et terrifiée par ce concept, qui présentait pour moi de nombreux défis techniques, à la fois en vidéo et en danse, mais je visualisais déjà des snake arms sur Medusa's Path de The Prodigy. J'ai fait part de mon idée à Marilyne, de manière certainement confuse dans la mesure où je n'avais rien de ressemblant à lui montrer en exemple... mais elle m'a donné sa confiance, et son feu vert.

Durant les deux semaines qui ont précédé la prise de vue, je me suis concentrée sur la chorégraphie. Mes capacités ayant beaucoup souffert de ma diminution physique globale d'il y a 3 ans, il fallait renoncer au niveau auquel j'étais autrefois habituée pour pouvoir exécuter proprement quelque chose. Au final je suis partie sur un enchaînement de mouvements basiques, mais je me suis infligé deux difficultés.
La première, c'est que les trois parties dansées sont presque identiques, mais ce sont précisément leurs infimes différences qui compliquent grandement leur mémorisation isolée !
La seconde : tous les danseurs connaissent le désarroi en passant de la répétition devant un miroir à la scène, eh bien c'est pire en retirant absolument tout repère spatial avec les yeux fermés... Mais en raison du pouvoir pétrificateur de leur regard, je tenais à la symbolique des Gorgones n'ouvrant les yeux qu'à la toute fin, juste avant l'affichage d'images statiques.
Alors c'est ce à quoi j'ai consacré une heure tous les jours durant les dix jours avant la prise de vue : exécuter les trois chorégraphies les yeux fermés, en me filmant pour me corriger.

Le jour de la prise de vue, il faisait chaud. Terriblement chaud. Comme d'habitude avec Marilyne, le maquillage a tenu les cinq longues heures de cette séance, de 16h à 21h. Nous étions épuisées, et pleines de doutes quant à l'exploitabilité des rushs avec un boitier que nous n'avions encore jamais utilisé. Aujourd'hui, avec cette vidéo, je suis ravie d'exposer la qualité du travail minutieux de Marilyne avant toute retouche. Et je la remercie infiniment pour sa confiance renouvelée.

Coiffe, maquillage, photographie : Marilyne Dugé

La vidéo est également disponible en HD sur YouTube.

Paramètres d'export :

  • Plage de couleurs : MPEG
  • Mode balayage : progressif
  • Désentrelacement : YADIF temporel + spatial
  • Interpolation : Lanczos
23
Apr
2023

Le dos à l'honneur

Jeudi dernier est sorti le troisième tutoriel d'Espace Pose !

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S'il demandait moins de préparation logistique que le précédent, ce tournage a néanmoins été très fatiguant pour Marilyne et moi-même. Nous avions toutes les deux la grippe... Et je nous ai prévu une bonne soupe chinoise pour la fin du tournage.

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Il fut également un peu difficile d'amener la modèle, Amélie, aux enchaînements exacts que j'imaginais. Amélie propose spontanément de jolis mouvements lorsqu'on lui dicte des émotions, mais intellectualise plus lentement la forme que prend sa silhouette. Ainsi différencier un dos arrondi ou penché, ou encore la droite et la gauche, a été une source de confusion régulière. Mais avec quelques répétitions, nous sommes arrivées à ce que je voulais. Je tire de cette expérience des éléments de réflexion importants pour les futures formations à la pose que je proposerai.

Faire les photos a été ma partie préférée. Dans la continuité de ma première séance de rencontre avec elle, Amélie dégageait une aura puissante et troublante à la fois.

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Ce tournage ayant suivi celui sur les poses oniriques de quelques jours, je n'avais malheureusement pas réalisé mon erreur de fps et l'ai reproduite... mais c'est la dernière fois, donc.

Une nouvelle information notable que j'ai découverte durant le montage : les vidéos "intermédiaires" perdent en qualité visuelle si elles sont exportées en mp4. Je l'ai constaté notamment en voulant mettre un extrait "à l'envers". En revanche, tout est resté intact avec du avi ou du mov. J'ai pris le parti de les enregistrer en mov, le format des rushs initiaux.

MUAH, éclairage, photographie (fin de la vidéo) : Marilyne Dugé
Modèle : Amélie Landriot

23
Mar
2023

Le langage des rêves

Le deuxième tutoriel d'Espace Pose est sorti !

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Suite aux bons retours du premier, nous avons osé contacter des modèles pour les suivants. Inès devant partir sous peu en Australie, j'ai décidé de la mettre en priorité, et c'est ainsi que s'est décidé ce tournage-ci. Je souhaitais nous sortir toutes de notre zone de confort à cette occasion, et connaissant l'admiration qu'Inès avait pour l'univers de Marilyne, je leur ai proposé de partir sur la photographie onirique, avec une robe rouge corsetée de Marilyne.

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Prévoir ce tournage a été une source de stress immense, en raison des prévisions météorologiques qui se sont retournées contre nous. Je voulais investir le parc du Château de Pouilly, où Inès et moi avions posé pour un projet dont je vous parlerai lorsqu'il sera public ; Inès a fait remarquer, à juste titre, qu'avec la semaine pluvieuse qui nous attendait, le sol serait boueux. Au final, j'ai réussi à écrire un nouveau scénario et pu commander tous les éléments manquants, le tout moins d'une semaine avant la date fatidique.

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Préparer le studio a été une galère désespérante... Au delà des corvées prévues, comme le repassage de mon fond de deux mètres sur trois, un de mes supports de fond s'est brisé entre mes mains et son contenu effondré sur moi ; j'ai dû tout suspendre à la poutre de mon salon à l'aide de lacets d'une vieille paire de chaussures. Puis, au moment de filmer la scène finale pour l'envoyer en preview à mes deux acolytes, elle s'est délitée sous mes yeux... en bref, tout ce que j'ai composé, il a fallu le refaire deux ou trois fois et j'y ai passé toute ma soirée, la veille de la prise de vue. Mais cela en valait la peine.

La rencontre entre Inès et Marilyne s'est extrêmement bien passée, et nous avons trouvé notre rythme à trois. J'ai été exigeante, tout était difficile, mais nous avons évité une pression inutile en prévoyant, pour chaque plan, une seconde option plus facile à tourner, et surtout nous avons beaucoup beaucoup ri...
J'ai enfin pu exploiter mon trépied girafe, et j'ai bien pensé à retirer le mode automatique de la balance des blancs.

Désormais, en plus de faire le maquillage et de m'assister à la lumière, Marilyne termine les tournages en prenant ses propres photos avec la modèle, tandis que je cuisine pour toute l'équipe.

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Côté montage, j'ai modifié presque tout mon processus depuis la dernière fois, car j'ai remarqué que Canva dégradait grandement la qualité de mes rushs. Cette fois, Canva n'a servi que pour les schémas animés et les sous-titres en transparence.

J'ai découvert que les plateformes américaines convertissaient systématiquement les vidéos avec 30fps, alors que je filmais en 25fps... c'est la prochaine erreur à ne plus refaire.

MUAH, éclairage, photographie (fin de la vidéo) : Marilyne Dugé
Modèle : Inès Amoura

16
Feb
2023

La direction du regard

Dans une heure sort le premier tutoriel d'Espace Pose. C'était la publication la plus difficile à produire de ce mois, puisqu'il s'agit d'une vidéo, et que mes compétences en montage se limitaient jusqu'ici à aligner deux plans où je chantais a capella.

Le tournage des plans avec Marilyne a eu lieu mercredi dernier, ce qui me laissait ensuite une semaine. Comme toujours, la fiabilité et la bonne humeur de Marilyne ont été un moteur et un réconfort tout le long de ce plongeon dans l'océan du doute. Elle a mis son studio à disposition et concocté une sympathique scénographie à partir de mes quelques directives (jolie chaise, table décorée, rideaux rouges et fond sombre). Elle également su répondre à mes frustrations techniques avec patience et pragmatisme, notamment en me prétant son 24-70mm. Enfin, c'était une modèle parfaite.

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La montagne que je me faisais de la suite, était constituée des schémas, du montage final, et des imprévus en triant les rushs. Et bien entendu, ces derniers n'étaient pas comme je me l'imaginais, malgré les doubles vérifications pendant la prise de vue. Alors voici les deux erreurs que je retiens de ne pas reproduire :

  1. laisser la balance des blancs automatique pendant la vidéo
  2. oublier que prendre une photo pendant une vidéo implique de couper cette dernière pendant quelques secondes

J'ai manqué de précautions à ces égards, cependant je peux me féliciter d'avoir réussi à faire feu de tout bois.

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J'ai utilisé Canva pour les schémas, l'idée m'étant venue en exportant par erreur un carrousel au format vidéo. Voici le processus entier :

  1. sur Shotcut : trier et redresser, decadrer, rééquilibrer les couleurs des rushs et les numéroter, en leur donnant des durées rondes
  2. sur Canva : dessiner les schémas avec les animations
  3. sur Canva : ajouter les plans filmés entre les schémas, écrire les textes et ajuster la durée des schémas en fonction de la durée de leur prononciation (lire à voix haute en regardant l'aperçu)
  4. sur Canva : dupliquer les schémas en fonction des textes à afficher
  5. sur Canva : noter en commentaires les plans filmés qui doivent être découpés (s'ils sont lus en plusieurs fois)
  6. sur Shotcut : scinder les plans filmés notés sur Canva
  7. sur Canva : remplacer les anciens plans filmés par ceux découpés, avec les textes de chacun
  8. sur Canva : exporter chaque ensemble de vues au format mp4
  9. sur Shotcut : faire le montage final avec les exports de Canva en créant les transitions de 2/5s (00:00:10 dans l'échelle)
  10. sur Shotcut : ajouter la musique et ajuster la durée de l'intro et de l'outro en fonction
  11. sur l'enregistreur vocal Windows : enregistrer la lecture à voix haute des textes
  12. sur Shotcut : ajouter la voix off et ajuster les fondus d'entrée, le gain/volume et la normalisation à deux passes pour que crête-mètre audio reste entre -7 et -25

Je voulais de la musique de chambre pour toutes les vidéos, des instruments distincts qui se répondent comme un petit groupe de personnes, à l'image des futurs ateliers pratiques. Ici, il s'agit du quintette de Villa-Lobos, mouvement II - Lento.

Modèle, MUAH, scénographie : Marilyne Dugé

19
Sep
2022

La voix nue

Je suis une perfectionniste depuis toujours, ce qui a pour inconvénient notable d'accroître considérablement mes difficultés chaque fois que je débute complètement quelque part. Pour contrer un peu cela et me permettre de commencer à zéro avant de progresser, à chaque célébration de ma naissance, je me vois lancée dans un nouveau défi à accomplir pour l'anniversaire suivant, afin de me forcer à sortir de ma zone de confort et en assumer le résultat même très imparfait.

Pour mes 31 ans, il s'agissait de me filmer, peu importe le sujet. J'avais alors montré une vidéo de moi jouant l'Arabesque n°1 de Claude Debussy au piano.

Cette année, pour mes 32 ans, il s'agissait de monter une vidéo, peu importe la manipulation de montage tant que cela dépassait le fait de sélectionner le début et la fin du fichier.
J'ai eu l'idée en nettoyant ma salle de bain inutilement spacieuse, de faire un montage devant son joli miroir, avec mon propre reflet qui chanterait une deuxième voix.
J'ai repris "Golden Green" d'Agnes Obel, qui chante la mélancolie comme personne.

Evidemment, je vois déjà énormément de défauts, à commencer par l'exposition changeante entre les deux prises. J'ai donc ajouté une petite retouche de colorimétrie au passage, ce qui m'a rassurée sur l'accessibilité de la discipline pour mon petit cerveau.

Le plus difficile a été d'exposer ma voix. Elle est ce que je considère de plus intime, comme si elle pouvait trahir mes pensées et mes émotions les plus profondément enfouies. Je me suis parfois filmée avec le téléphone, en m'accompagnant au piano ; le chant a capella m'a demandé davantage de courage et de lâcher prise, mais je commence à apprécier mes progrès en écoutant ma voix nue.

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