13
Apr
2025

Le premier coup

J'ai été réveillée ce matin par un petit choc près de mon nombril. J'ai attrapé la main de mon mari encore somnolent, pour la poser sur mon ventre. Nous avons patienté en silence, attentifs au barbotement diffus sous nos doigts... jusqu'à sentir un coup, puis un autre. Cette première communion sensorielle dans notre intimité familiale, ce petit cadeau de la Vie, marque en douceur le passage à la seconde moitié de ma grossesse.

La première moitié, très chaotique et solitaire, a nécessité beaucoup d'ajustements intérieurs, ce qui l'a rendue particulièrement propice à l'introspection et à l'écriture. Je pense qu'aujourd'hui est un bon jour pour en synthétiser les leçons et en délivrer les messages.

Ce que j'ai appris du début de ma grossesse

Cette grossesse est désirée depuis plusieurs années déjà. Si tout semble s'accélérer à une allure folle depuis l'achat de notre maison, n'oublions pas que nous avions auparavant reporté notre projet de famille de quelques années, le temps que je sorte de l'errance médicale autour de mes troubles digestifs puis que j'en guérisse. Ensuite, nous avions tenté de concevoir sans succès durant un an. Ma nouvelle gynécologue nous a alors dirigés vers l'Institut de la Fertilité de Dijon, où nous avons été pris en charge avec beaucoup de bienveillance.

Une nouvelle année plus tard, nous avions enfin une proposition d'assistance médicale, à laquelle mon corps s'est montré réceptif... très réceptif : j'ai ovulé trop tôt durant le cycle de test, avec le risque d'attendre des quadruplés.

Le lâcher-prise incontournable

Ce qui aurait dû être la plus belle nouvelle de toute ma vie, "je suis enceinte", a été d'abord une source d'angoisse : je ne parvenais pas à me réjouir sans aucune information sur la viabilité de cette grossesse, et la médecine ne pouvait rien décréter dans un sens ou dans un autre avant un mois.

Rebelotte trois mois plus tard, lorsqu'après un premier dépistage de la trisomie 21, on m'a annoncé que j'étais à risque. Ma gynécologue est partie en vacances au moment de recevoir les résultats du second dépistage, j'en ai donc eu connaissance au rendez-vous du mois suivant.

J'ai réalisé durant ces épisodes que c'était le lot de toutes les mères et qu'il en serait toujours ainsi désormais : craindre le pire. Sauf que pour mon futur enfant, je me dois d'abord de vivre au présent, afin de lui procurer stabilité et quiétude à chaque instant.

Et puis, comme on dit, s'inquiéter ne supprime pas les soucis de demain mais éloigne la paix d'aujourd'hui. Alors ce pire, j'apprends à l'envisager et à le remettre à la place qui lui revient, celui d'une éventualité parmi tant d'autres auxquelles je ne peux rien aujourd'hui.

Un amour-propre inconditionnel

J'ai également dû lâcher prise sur un aspect de mon quotidien plus discret mais plus pernicieux : l'autodiscipline.

Après ma crise de sens lors du premier confinement du Covid-21, je m'étais imposé une hygiène de vie inspirée des 4 conseils de Marisa Peer pour les entrepreneurs et les sportifs. Elle m'avait permis d'atteindre un bon niveau de productivité tant dans mes activités professionnelles que personnelles, de mener huit projets simultanés jusqu'à leur terme. Surtout, elle m'avait sortie durablement de l'immobilisme, en jalonnant mon sentiment de progression de repères concrets qui créaient un cercle vertueux : ma confiance se nourrissait de ma performance, et réciproquement.

Cependant, à l'apparition des nausées aléatoires dès le second mois, je ne pouvais plus maintenir aucun rythme. Au pied du mur, j'ai fait le point sur ce que je disais à mon inconscient avec une telle routine : commencer la journée avec quelque chose que l'on n'a pas envie de faire, cela conditionne à associer la réussite à l'effort quotidien, au mérite : il faut faire pour obtenir. Et cela fonctionnait à merveille pour le développement logiciel, les projets photo, l'associatif...

Or, la gestation est un état de création, pas une action à exécuter pour en récolter les fruits.

Je crois toujours que les habitudes, et particulièrement la première action au lever, conditionnent l'état d'esprit quotidien, mais désormais, je commence chaque journée avec un plaisir. Pas d'habituation à la pénibilité, pas de récompense délayée... je m'octroie des attentions instantanément et sans contrepartie, ce qui ancre une sérénité salvatrice : tout l'amour, toutes les ressources à ma disposition chaque jour que Dieu fait, tout ce dont j'ai besoin est déjà là pour moi.

Je n'ai ni à conquérir, ni à quémander, je suis digne à chaque instant de ce que je reçois, pour le transformer et le sublimer...

La déconstruction de l'égalité

Mon mari ne pourra jamais me relayer pour porter nos enfants, et de mon côté, je ne pourrai pas reprendre un travail salarié avant quelques années.

Cet état de fait a achevé une transition majeure que notre couple a entamée lorsque j'ai quitté mon poste de développeur logiciel : nous sommes passés de deux ingénieurs indifférenciés, souvent frustrés dans le partage des charges et des tâches quotidiennes à 50-50... aux rôles bien distincts de la mère au foyer et du pourvoyeur de la famille, épanouis dans la répartition complémentaire du temps de travail envers, respectivement, l'intérieur et l'extérieur du foyer.

J'ai conservé ma micro-entreprise pour mes activités secondaires dans le web et la photographie, mais mon métier principal est désormais de régenter notre chez-nous.

Cela semble aisé en théorie. En pratique, il m'aura fallu une année complète pour le vivre avec naturel, sans culpabilité insidieuse ni pensées parasites... Ce parcours, enrichi de l'expériences de mes amies ayant fait le même choix, fera sans doute l'objet d'un article.

Toujours est-il qu'aujourd'hui, je suis ravie de travailler pour notre maison plutôt que pour une entreprise qui n'est pas la mienne, auprès de l'homme qui œuvre à mon bonheur plutôt que d'un patron qui priorise sa rentabilité.

L'harmonie par la spécialisation

Bien sûr, depuis que je suis entièrement en charge de notre intérieur, nous mangeons mieux et nos espaces sont mieux rangés. Mais ce que j'accomplis, c'est bien plus que remplir nos estomacs ou maintenir un environnement propre et fonctionnel... En ayant plus de temps pour cuisiner nos repas, j'en fais chaque jour des rituels de connexion et d'amour. En ayant plus de temps pour aménager chaque recoin de notre maison, j'en fais de petits cocons de convivialité.

Grâce à cela, mon mari n'a jamais été aussi radieux à son travail comme à ses temps de repos. Alors que ses efforts pour l'agréabilité du foyer se heurtaient au jour-le-jour à un plafond de verre, aujourd'hui, il fait bien plus que gérer nos investissements et payer nos charges : il me décharge de toute anxiété liée à notre sécurité matérielle et à notre futur.

Lorsque nous gérions tout à deux, lorsque nous devions chacun penser à tout, avec tant de context switching au quotidien, nous ne nous sentions pas relayés mais éparpillés... et régulièrement épuisés.

Nous restons autonomes en cas de besoin et il arrive souvent que l'un épaule l'autre dans ses attributions. Néanmoins, cela est reçu comme de l'aide, du soin, un don plutôt qu'un dû ; et surtout, cette spécialisation a divisé notre charge mentale par deux : nous sommes bien plus heureux en contribuant là où nous sommes naturellement meilleurs, et même dans la difficulté, cet échange quotidien constitue une source de gratitude infinie.

Nos revenus ont diminué, notre qualité de vie a bondi ; cela n'a pas de prix.

Une organisation permissive

J'ai beau être devenue responsable de notre bien-être au sein du foyer, il m'est impossible de maintenir la même rigueur qu'il y a un an dans mon nouvel état.

Je me suis réconciliée avec cette diminution de productivité car la santé de notre enfant à naître passe avant tout, et passe d'abord par la mienne. Je n'ai pas vraiment eu le loisir de tergiverser sur ce point, chaque coup de barre qui n'a pas été suivi d'une sieste complète a été durement payé le lendemain.

Puis j'ai trouvé la formule qui me convenait lors du troisième mois, après l'arrivée de notre chiot qui nous gratifie d'amour et de traces de boue : planifier des tentatives plutôt que des résultats. Au lieu de faire un gros ménage une fois par semaine, qui me décourage d'avance au point de reporter au moindre petit coup de mou, je le commence deux fois par semaine et le continue le temps que je peux... parfois seulement cinq minutes ! Résultat, notre rez-de-chaussée n'a jamais été aussi propre en continu. Mieux vaut fait que parfait...

Cette nouvelle forme de discipline a fonctionné pour les travaux domestiques, j'ai commencé à l'étendre aux exercices physiques au second semestre et je prévois d'y ajouter la création artistique au troisième.

L'absolu et l'impermanence

Chaque révélation reçue et expérimentée depuis le début de cette grossesse en a renversé d'autres plus anciennes, que je croyais pourtant définitivement acquises. Et nul doute que cela évoluera à nouveau.

Mon mari et moi nous autorisons toujours à changer. D'ailleurs, nous avons toujours eu bien des différences, mais au-dessus d'elles, le même sacré. Nous nous dirigeons ensemble vers notre destination commune, et rien ne nous empêche de modifier l'itinéraire, tant que nous ne perdons pas le Nord.

02
Apr
2025

Je ne suis plus modèle

Durant les treize dernières années, j'ai nourri mon expressivité corporelle et je me suis épanouie dans une démarche constante : la mettre au service de la photographie.

Cela m’a apporté des rencontres incroyables et l’opportunité inestimable de créer avec des artistes extraordinairement talentueux.

Je me suis projetée dans leurs visions.

Et à travers leur regard, leurs idées me donnaient corps.

Aujourd'hui, cette création est ailleurs.

Je nourris autre chose.

Mon corps existe pour autre chose.

Une chose merveilleuse, qui me dépasse.

Un absolu qui occupe tout l’espace.

J'attends un heureux événement pour cet été, et depuis cet hiver, mon monde se transforme à une vitesse folle.

Mon corps, mon quotidien, mon énergie...

Je traverse ces bouleversements, ou plutôt, ils me traversent telle une tempête chaotique de peur et de joie.

La photographie m'appelle toujours, mais...

Cet appel a changé.

Je n’arrive plus à absorber vos personnages, à interpréter vos images à naître.

Je ne suis plus en capacité d’incarner une autre histoire que la mienne.

Je ne me considère plus comme un modèle.

Peut-être est-ce temporaire.

Quel rapport aurai-je à mon corps après avoir porté la vie ?

Comment appréhenderai-je l’extérieur suite à ces chamboulements intérieurs ?

Quelle place et quelle forme prendra la création dorénavant ?

L’Avenir nous le dira.

Je ne disparais pas, mais j’ignore encore comment évoluera ma présence en ligne... Je me laisserai porter par le flot.

Je ne peux vous promettre que de rester sincère et entière, comme dans tout ce que je vous ai partagé jusqu'à présent.

Je vous remercie du fond du coeur.

Pour votre présence, votre confiance, votre fidélité et votre bienveillance, tout au long de ces treize années.

Elles sont inoubliables, grâce à vous.

À bientôt

23
Mar
2025

Devenir mère

23 Mar 2025

Aujourd'hui commence le cinquième mois de gestation.
Notre premier enfant, notre petit miracle, déjà tant aimé.

05
Feb
2025

La dernière séance

L'année 2025 a commencé avec intensité. Le 2 janvier matin, j'avais un examen médical que j'appréhendais depuis un mois. Et l'après-midi, ma deuxième séance avec Eric Monnier.
Au final, le verdict tant redouté était le meilleur que je pouvais espérer, et c'est avec un soulagement immense que j'ai rejoint Eric à son petit studio photo.

Eric cherchait à se renouveler, nous avons privilégié des expérimentations en pose longue et en double exposition. Nous avons rapidement trouvé quelques combinaisons de mouvements sur fond sombre...

... mais nous avons eu davantage de difficultés sur fond clair.

Nous nous sommes alors reposés sur nos zones de confort respectives, avec un peu de danse bien nette cette fois...

... et du portrait.
Comme notre séance était centrée sur le mouvement, je craignais que mon maquillage ne soit pas assez soutenu pour l'intensité de l'éclairage. Heureusement, l'ajout d'une touche de rouge à lèvres a fait l'affaire.

C'était une séance particulièrement mémorable. En treize ans d'activité, je n'ai jamais été autant consciente de chaque parcelle de mon corps en posant. Je suis sortie exténuée et comblée, sans encore réaliser que cette séance était sans doute la dernière où je serais modèle. Je développerai ce point prochainement ; en attendant, je suis heureuse de ces images et de ces souvenirs créés avec Eric.

Photographe : Eric Monnier

14
Jan
2025

Effet aquatique

Pour débuter 2025, voici des photos de ma dernière séance de 2024, à l'avant-veille du nouvel an...

En me rendant à l'apéro-photo du mois de décembre, j'ai croisé Olivier qui souhaitait caler quelques séances photo pendant ses vacances de Noël. Olivier avait connaissance de mon état et a proposé spontanément de monter un studio photo chez moi, avec son propre matériel. J'ai été très touchée de ses attentions pour mon confort.

Il nous restait à trouver une idée de composition. Olivier est un photographe avant tout technicien, mais je le sais grand admirateur des travaux d'Edmond Nowak pour leurs qualités narratives. J'ai suggéré la feuille de Mylar, qui apportait à la fois un vrai défi d'éclairage et un grand potentiel d'effets de matière... et l'idée a été adoptée avec enthousiasme.

Le jour J, Olivier est venu déjeuner à la maison. Puis pendant qu'il s'installait dans mon atelier, j'ai pris le temps de travailler un maquillage à la fois contrasté et irisé, ainsi que de couvrir mon corps d'enlumineur. Le but était que ma peau scintille avec la robe à sequins que nous avions choisie.

Côté technique, nous tenté plusieurs installations et couleurs de gélatine. C'est l'association bleu-vert qui l'a emporté : deux éclairages pointés vers la feuille de Mylar posée au sol, projetant leur effet aquatique sur un fond gris, avec un éclairage supplémentaire dédié à mon buste.

De nombreux essais ont également été nécessaires pour trouver des poses légères, aériennes, malgré mes jambes entravées par la robe.

C'était une séance éprouvante. Nous avons partagé beaucoup de rires, ainsi que la fierté d'avoir relevé ce défi technique pour un résultat aussi poétique.

C'était séance d'autant plus spéciale à mes yeux : la première d'une tranche de vie qui a déjà chamboulé mon corps et ma façon d'être.

Photographe : Olivier B.

02
Nov
2024

Rêverie

Cette année, c'est toute une série d'événements intenses qui s'est enchaînée.... pour le meilleur, mais aussi pour le pire ; et je suis de ceux qui se recluent pour pouvoir reprendre pied.

Le 12 octobre dernier, je suis revenue à la photographie avec la sensation de sortir d'un mauvais rêve.

Honnêtement, avant le jour de la prise de vue, je ne savais vraiment pas ce que nous allions faire, et tout s'est déroulé au fil de l'eau, à commencer par le choix de la tenue. Ma modèle du jour, Valériane, a flashé sur cette robe, qui lui allait comme un gant. Je l'avais chinée lorsque je préparais mon mariage, ma bulle de Paradis entre les maladies et les deuils.

J'ai maquillé Valériane, puis nous sommes allées dans le même coin de nature où ont été prises les photos de couple de mon mariage. La série s'est construite de façon intuitive autour d'un arbre tombé au sol. Il nous barrait la route, mais... son tronc, autour duquel une plante grimpante nous tendait joyeusement ses feuilles, constituait un banc fortuit.

J'avais déjà photographié Valériane deux fois. La première pour une série pédagogique pour Espace Pose, la seconde lors du workshop pour modèles que j'ai organisé le 1er juin cet année, sur le thème de la pose onirique.

Lors de ce dernier événement, Valériane m'avait fait part de son désir de développer l'expressivité de ses mains. Les progrès étaient déjà visibles le jour-même, et ce fut une grande joie de la voir à l'aise pour notre premier "vrai" projet ensemble.

Je ne pouvais pas rêver de meilleure modèle que Valériane, que je remercie infiniment pour sa confiance et sa patience, pour sa grâce et son élégance, pour cette reprise en douceur et avec du sens.

Avec cette série "Rêverie", j'inaugure progressivement de toutes nouvelles techniques de développement. Je me demande si la différence sera visible de l'extérieur, toujours est-il que j'ai pris grand plaisir à explorer de nouvelles possibilités sans trop m'éloigner de ma zone de confort. Pour le moment.

Modèle : Valériane Fatet

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